dimanche 26 février 2012

Citizen Kane (ou presque)

Au lycée, j'ai ingurgité Citizen Kane à n'en plus pouvoir. Il faisait partie des films incontournables au programme de mon option cinéma. Pas facile au début (à quinze ans fin des années 80, Orson Welles ne faisait pas franchement partie de nos rock-stars de prédilection), j'ai appris à aimer et apprivoiser ce chef-d'oeuvre du cinéma, puis s'est amorcée la période ou mes camarades et moi, on n'en pouvait plus de Citizen Kane, de Hearth et son Rosebud. Les années ont passé, la magie a opéré, l'indigestion est loin derrière, et celui-là, autant que Le Mépris (Godard), Le Septième Sceau (Bergman), M. le Maudit (Fritz Lang) et les autres sont bien rangés dans les cases de ma petite tête et je les retrouve avec délice désormais. 

Et voilà que cette semaine je prends totalement au hasard un livre dont je n'ai jamais entendu parler, de l'auteur non plus d'ailleurs. Et me revoilà dans Citizen Kane. Ou presque. 

Tout au long du livre (qui n'a absolument rien de commun avec ce film), des images ou des sons venaient se superposer aux mots que je lisais. Juste à cause du mystère que le personnage central entretient sur son identité et son histoire. Un véritable bonheur au fil des pages, qui justifie sans conteste de se frotter à toutes les cultures, même celles qui nous semblent trop obtuses, même quand on a quinze ans. Surtout quand on a quinze ans.

Welles, image du web 
Le Mépris
M. le Maudit

L'Homme sans empreintes, Eric Faye, éditions Stock

jeudi 23 février 2012

Engourdissement

Parfois, j'émets quelques inquiétudes quant à ma capacité de compréhension. Je lis et rien ne relie les phrases entre elles, les personnages non plus.
J'ai lu Alaska, j'ai aimé l'atmosphère du livre, j'ai aimé les personnages les uns indépendamment des autres, mais je n'ai pas réussi à comprendre ce qui les liait réellement.
Mais c'est peut-être ça l'Alaska: des hyper-solitudes qui se côtoient. Brut. Sans concession. L'irréalité de ces nuits pendant lesquelles il fait jour, et de ces journées qui demeurent entre chien et loup. Le froid, cinglant. 
Ou alors c'est moi qui ne comprend rien à rien.



Alaska, Eugène Nicole, éditions de l'Olivier

samedi 18 février 2012

Jean-Baptiste



























La première fois que j'ai croisé Adamsberg, il pistait des rats, enfin il avait les puces, il cherchait les rats. La peste. Il avait parlé aussi d'un diamant qui illuminait un sourire et de galettes à la peau de lait.
Il me semble qu'il voyait encore Camille, à cette époque.
On était revenu sur d'anciennes histoires, un type qui se déguisait en femme et qui sentait la pomme séchée, on a pas mal tourné autour de Danglard, un peu Camille. J'ai su qu'il avait croisé un loup-garou aussi.
Je me suis souvent retrouvée dans ses parages, je ne suis pas sûre qu'il m'ait remarquée, mais je me souviens d'un cerf, gigantesque, en Normandie. Et tant d'autres choses.
Cette fois, j'ai vraiment compris qu'il ne pelletait jamais les nuages sans raison. Qu'il était devenu un vrai "papa-pigeon", et qu'il ne craignait absolument rien, ni la Mesnie Hellequin, ni de risquer sa peau pour les justes. Je m'en doutais déjà. Cette fois c'est sûr.
Je passerais bien un moment à regarder les vaches avec lui.
"Il se glissa hors de la chambre jusqu'à la cave. Là, en montant sur un tonneau, il atteignait une petite lucarne poussiéreuse, seule ouverture qui donnait sur une portion de pré à vaches. Il avait le temps, il attendrait.
En rejoignant prudemment la maison Vendermot quand sonnait l'angélus, il se sentait satisfait. Trois vaches avaient bougé, pas moins. Et sur plusieurs mètres encore, sans décoller les naseaux de l'herbe. Ce qui lui paraissait un excellent signe pour l'avenir d'Ordebec."

L'armée furieuse, Fred Vargas, éditions Viviane Hamy

mercredi 15 février 2012

Joindre l'inutile au moyennement agréable

Je savais d'avance que ça se terminerait mal entre Katarina Mazetti et moi, mais j'ai cédé à la facilité, à la curiosité, au souvenir souriant du Mec de la tombe d'à côté, et j'ai emprunté la suite à la bibliothèque.
Je me doutais bien qu'elle n'était pas nécessaire, je craignais la lassitude, le manque de rebondissement et d'originalité, et je n'ai pas été déçue: c'est tout à fait ça. Totalement inutile, et malheureusement, cette lecture a même gâché un peu le souvenir plutôt positif que j'avais du premier opus.
Tant pis pour moi, ça m'apprendra. 
La prochaine fois j'aurai qu'à passer mon temps à mater les coccinelles, ce sera toujours ça de gagné.


Le caveau de famille, Katarina Mazetti, éditions Gaïa, traduction Lena Grumbach

lundi 13 février 2012

C'est dimanche, c'est permis

Tu ne devineras jamais qui m'attendait tranquillement chez moi vendredi dernier quand je suis rentrée du taf.
Kriss. LA Kriss. Oui oui je sais qu'elle a changé de planète il y a déjà plusieurs mois, mais je te dis qu'elle bullait tranquillement sur la table, dans une belle enveloppe.

Image radio-france
Une enveloppe qui frétille c'est plutôt rare, alors tu y vas délicatement au moment de l'ouverture, et là: des bulles qui enveloppent du rose. 
Le livre de Chantal Pelletier qui raconte sa Kriss.
C'est la sienne, pas la nôtre, alors une petite distance s'installe, mais tu entends très vite cette petite voix qui a caressé tes oreilles à travers tant de Portraits Sensibles et qui te mitonnait de si croustillants Crumbles... Tu revois la fine équipe, Mario, Marie-Pierre, Jean-Jacques, tu te souviens que c'est elle qui t'avait (entre mille autres personnes) présenté Julien Perrot, le rédacteur/ initiateur de la Salamandre, ta revue fétiche, tu te souviens de tes larmes quand tu as écouté assise, sans bouger d'un millimètre le premier Crumble sans elle.
Tu l'imagines la tête entre les mains scrutant Higelin qui se raconte - un de tes plus beaux souvenirs. Tu l'entends encore quémander une histoire drôle en guise de préambule à ses invités, histoire de les mettre à l'aise.  
Ecoute, tu entends ce rire?

Image radio-france










A coeur et à Kriss, Chantal Pelletier, éditions des Busclats

samedi 11 février 2012

Je lis, tu lis, il lit, et?

L'école des loisirs offre à qui veut de nombreuses petites choses bien sympathiques, dont ce petit ouvrage qui regroupent les réflexions d'auteurs d'albums et de livres pour enfants et adolescents à propos de la lecture. 
Ils n'ont cependant pas pensé à interroger mon chat, ni aucun autre félin, à ce sujet. Je suis surprise, mais peut-être s'imaginent-ils que les chats ne savent pas lire...


Lire est le propre de l'homme, collectif, éditions L'école des loisirs

jeudi 9 février 2012

Belleville, Chinon, Blayais, St Laurent, St Alban...

De jolis noms de villes qui inviteraient au baguenaudage, s'ils n'abritaient tous autant qu'ils sont, une centrale. 
En Bretagne, on sait qu'on n'en a pas. 
Plus. 
Brennilis est endormie au bord de son lac, attendant plus ou moins patiemment d'être totalement démantelée, quant à Plogoff, ce fut la guerre et ouf, les ingénieurs du nucléaire boutés hors de nos contrées.


Mais ailleurs, il y a des hommes et des femmes dont la Centrale est l'entreprise. Le nerf de la guerre. Le pain sur la table. Ils y vont comme on va au combat, la peur aux ventre pour les uns, une idée de défi pour les autres.
Des villes moyennes voient ainsi les boîtes d'intérim et les mobilhomes qui logeront leurs intérimaires, pousser comme des champignons. 

"Cinq kilomètres. C'est la distance qui sépare la centrale du village --- et réciproquement en cas d'incident. On ne la voyait pas encore, mais on savait qu'elle était là. 
[...]
Dans le choix d'un site, tel emplacement plutôt qu'un autre, le cahier des charges des ingénieurs n'a pas changé depuis les années soixante: une ville moyenne située à distance raisonnable d'une grande agglomération, si possible sous le vent de cette agglomération - selon les vents dominants- et non pas l'inverse [...]


 "Il se tient debout au bord de la piscine, vide. Il se tient debout en combinaison étanche, heaume ventilé et masque à gaz sous le heaume, incapable de franchir le pas qui lui permettrait d'agripper la rampe, de pivoter, puis de poser son bottillon droit en caoutchouc blanc et semelle crantée sur le premier barreau de l'échelle, en prenant bien garde de ne pas s'enrouler ou entortiller le cordon d'alimentation, une fausse manœuvre qui couperait net l'arrivée d'air au mauvais moment, une fois atteint le fond de la piscine; pour l'instant en cas d'urgence ou sur un coup de tête, il peut encore agir, arracher le heaume et le masque et respirer librement, mais quinze mètres plus bas, ce qu'un homme sans tenue complète de protection est surtout libre de respirer, ce sont les gaz et aérosols radioactifs libérés par les parois, tritium, cobalt césium,etc. Il entend la voix derrière lui, à travers le heaume qui lui donne l'ordre pour la deuxième fois de descendre. Il ne réagit pas."

La Centrale, Elisabeth Filhol, éditions Folio

vendredi 3 février 2012

Définitivement, j'aime

"Ne parle pas de la mer au poisson qui vit au fond du puits, il ne comprendrait pas."
Ce proverbe chinois extrait de la collection de Clémence, suffit à dire ce qu'est ce livre.
Le livre de l'incompréhension. L'incompréhension qui règne entre Clémence et  Alice sa soeur, entre le narrateur et Anna sa femme, entre un père et sa fille, entre des Européens des années quarante et des Indiens d'Arizona.

Breton dans son atelier, image internet
Encore Gallay, encore la mer, un chat, des non-dits, des lucioles qui illuminent le ventre des grenouilles, une douce violence, des rencontres, du thé, tout ce qui fait qu'on entre dans un livre, qu'on s'y installe et qu'on observe ce qui s'y passe.
Et il se passe qu'on rencontre André Breton et sa passion pour l'art Hopi.
Et il se passe qu'on hésite. 
Comme le père d'Alice et Clémence, qui renifle la perversité du système.


"Ma chère Mathilde,
Pour la danse de l'Antilope, il y avait plus de mille personnes. Des gens venus de partout, des villages alentour mais aussi de Phoenix, de Los Angeles et même de la côte Est. Très impressionnant. A en oublier l'écrasante chaleur. Breton a voulu prendre des notes. a cause de lui, je ne sais pas si nous pourrons assister à la danse du Serpent demain.
Je me demande dans quelle mesure tout ce monde ne gâche pas la solennité des cérémonies.
J'ai pu prendre deux photos de plus. les Hopi pensent que photographier un Indien c'est lui voler son âme. Je dois donc faire très attention.
Otto dit qu'il m'aura un masque pour presque rien si je l'emmène avec nous à New York. Un masque, tu te rends compte? Je ne peux pourtant pas accepter...
 Je t'embrasse ainsi que Clémence. 
P.-S.: J'ai un autre enregistrement, un phénomène très rare, la pluie qui tombe et qui s'évapore avant de toucher le sol." 

Dans l'or du temps, Claudie Gallay, éditions Du Rouergue
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